Ode à Kim Gordon et Kim Deal.
Kim Gordon
1994.
Punaisé au mur de la chambre d'un copain plus grand et plus averti (il fumait et portait les cheveux longs), un poster du groupe Sonic Youth représentait Kim Gordon dans toute sa splendeur d'égérie rock.
Punaisé au mur de la chambre d'un copain plus grand et plus averti (il fumait et portait les cheveux longs), un poster du groupe Sonic Youth représentait Kim Gordon dans toute sa splendeur d'égérie rock.
Blondeur peroxydée -hormis les racines, noires, de rigueur- en jupe et tee-shirt rayé, rangers aux pieds, armée de sa basse Gibson Thunderbird.
Impeccablement débraillée, cradement chic: une poupée destroy, une fée électrique, l'incarnation du grunge et bien plus que cela.
Campée, jambe fléchie en avant et un pied sur les retours, ferraillant dur sur ses cordes, elle était ce mélange improbable de charme et de violence, de beauté et de rage. Plus sexy que Madonna en corset Gautier, plus subversive que cet abruti de Sid Vicious en perfecto taché de dégueulis, plus dangereuse que Paul Simonon sur la pochette de London Calling.
Sa Thunderbird était une arme plus puissante que n'importe quel fusil d'assaut, aussi redoutable que la guitare sur laquelle Woody Guthrie avait écrit : « This machine kills fascists ».
Je laisserai les historiens en juger mais, à mon sens, le féminisme a connu une de ses plus grandes avancées le jour où Kim Gordon a passé pour la première fois la sangle d'une guitare basse sur son épaule.
Mais si Kim G. était -et reste- la bassiste la plus dangereusement séduisante de l’histoire du rock, Kim D. était -et reste- la plus vénéneuse.
« Cool as Kim Deal » a chanté Courtney Taylor des Dandy Warhols, et il n’a pas tort, il est simplement en peu en-dessous de la vérité. (Au chapitre des Courtney, impossible de ne pas évoquer Courtney Love en nuisette et sa Fender Venus baby pink, autre obscur objet du désir).
A la basse et aux chœurs dans les Pixies de la première période, Kim Deal ne tient apparemment pas le premier rôle… Pure illusion.
Rythmiquement, mélodiquement, c’est elle qui tient la baraque sur tous les standards du groupe.
On se focalise sur les textes de Black Francis et les riffs de Santiago, mais sans la ligne de basse et les chœurs fantomatiques de Kim il ne reste plus grand-chose à Where is my mind. Sur scène, voix et présence désincarnée, c’est elle qui crée la tension, d’elle que vient le malaise. Elle est là sans y être, semblant ne pas s’apercevoir qu’elle est si cool, impériale de négligence. Présente, absente, indifférente… Les traités de grands maîtres zen ne m’en ont pas appris davantage.
Injustice tenace du rock an’ roll, on oublie souvent la section rythmique et encore plus souvent le bassiste. Autre exemple d’injustice légendaire : ce cliché que les filles portent toujours la poisse dans un groupe de rock, elles finissent toujours par partir avec le guitariste, chanteur, bassiste (rayer la mention inutile)… Rien n’est plus faux, dans les exemples que je cite, et il serait temps de rétablir la vérité : les emmerdes viennent plus souvent des garçons qui ne se gênent pas, surtout lorsqu’il est question de reformations (plus ou moins juteuses), pour laisser de côté leurs bassistes.
A Corine M., Kim D. et Kim G., mon cœur d’adolescent pour toujours reconnaissant.
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