Fantasmes de Baudelaire au Musée de la vie romantique.
Sur cette toile pudiquement nommée « Nymphe couchée » on
peut douter que la nymphe en question soit simplement allongée pour une petite sieste
au bord de l’eau…
Etranges manies des nymphes.
« Vous est-il arrivé,
comme à moi, de tomber dans de grandes mélancolies, après avoir passé de
longues heures à feuilleter des estampes libertines ? (…) Soit dans les
interminables soirées d’hiver au coin du feu, soit dans les lourds loisirs de
la canicule, au coin des boutiques de vitrier, la vue de ces dessins m’a mis
sur des pentes de rêverie immenses, à peu près comme un livre obscène nous
précipite vers les océans mystiques du bleu. » (Des sujets amoureux et de
M. Tassaert, Salon de 1846).
Il n’y a que Baudelaire pour employer dans la même phrase les mots « obscène »
et « mystique » sans que ce soit ridicule. Charles avait une bonne
plume, il avait aussi l’œil et c’est justement à lui que le Musée de la vie
romantique consacre en ce moment une exposition, "L'oeil de Baudelaire"
donc.
On sait bien que Charles aimait la peinture de Delacroix (qui, lui en
revanche, ne comprenait pas grand-chose à sa poésie), mais d’autres peintres
parmi ses contemporains eurent droit à des louanges. Parmi eux Octave Tassaert.
Qualifié par un critique peu charitable de « peintre rabat-joie »,
ce peintre connu davantage pour sa « Famille malheureuse » ou sa « Pauvre
enfant » n’avait pourtant rien contre ce qu’il appelait « le folichon »,
ce que Baudelaire -plus sérieux- nommait « les sujets amoureux ».
Manet, La nymphe surprise
Comparée à un tableau du même genre et de la même époque, peint par
Manet, « La nymphe surprise », la toile de Tassaert l’emporte haut la
main. La nymphe de Manet n’est pas si surprise qu’elle n’ait eu le temps de
cacher ses attributs aux yeux du promeneur indélicat.
La nymphe de Tassaert, et c’est ce qui rend la scène si obscène et si
belle (non, je ne dirais pas mystique, pour cette fois…), est seule et, dans
tous les sens du terme, abandonnée.
A en croire des siècles de
littérature et de peinture, les jeunes femmes, les jeunes déesses même, que
sont les nymphes ont le chic pour s’attirer des ennuis. Des satyres en l’occurrence,
qui passent une bonne partie de leur temps à les poursuivre de leurs assauts.
Mais, et c’est peut-être unique dans toute l’histoire de l’art, ici la nymphe
est seule et c’est le spectateur qui se retrouve en position de satyre… Tout le
plaisir voyeuriste que procure cette toile est dans la tension entre le visible
et le caché : la jolie nymphe se croit bien cachée, invisible, mais ne l’est
pas ; ses mains et l’endroit -quelque part entre les cuisses- où elles se perdent,
sont dérobées aux regards mais ses yeux et son expression égarée, en quête
active de plaisir, la trahissent…
Baudelaire ne s’était pas trompé, Tassaert était un bon peintre et un
bon graveur, qui savait aussi représenter des femmes vraiment endormies.
Octave Tassaert, La femme endormie
Bonjour, je travaille en ce moment sur un dossier et mon sujet porte sur les nymphes , je sais que l article as etait écrit en 2016 mais si l'auteur est encore là , j en serai ravie. Car j aimerai bien vous posez quelques questions avoir votre avis, débattre, n'hésitez pas à m'envoyer un mail si vous êtes toujours là 😊
RépondreSupprimerMon mail wendybdu11@gmail.com
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